« Ainsi, nous avons une sorcière à Camelot » déclara alors une voix qui, comme un écho, percuta les parois de bois de la vieille chaumière abandonnée. Doucement, Aeryn était apparu au coin du mur, à ce qui semblait avoir été une porte jadis et tandis qu'un sourire malveillant naissait sur le coin de ses lèvres roses, sa main gauche se glissait sur le sommet de son crâne pour dégager ses longs cheveux bruns de l'emprise du tissu de sa capuche. Elle haussa un sourcil en ajoutant :
« Et il s'agit d'une invité de sa majesté ». Elle laissa un silence anxieux se dresser entre les deux jeunes femmes. Pourtant, son sourire n'avait pas disparu, elle prenait même un plaisir sadique a affiché cette moue satisfaite lorsque l'opportunité se présentait.
* * *
Le soleil allait bientôt disparaître pour laisser la place sur son trône à sa reine, dame la lune. Peu à peu, le royaume de Camelot changeait de paysage. Les rues autrefois habitées par les marchands et les paysans se vidaient peu à peu pour finalement donner l'impression d'une ville fantôme. Un couvre feu avait été instauré ; qui serait retrouvé à errer dans les rues dans Camelot une fois le soleil couché serait immédiatement arrêté pour être enfermé dans les cachots dans l'attente d'un jugement - si le Roi ne l'oubliait pas bien entendu. Seul les gardes du royaume étaient autorisés à parcourir les rues de la ville dans une mesure de protection et de prévention. Comme tous les soirs - ou presque - la famille royale de Camelot dînait ensemble. Pourtant, ce soir, la Reine Elerinna manquait à l'appelle. La pauvre était souffrante. Le médecin de la cour lui avait prescrit une médication et une potion. Il lui avait aussi suggéré de se reposer. Elle était restée dans ses appartements toute la journée.
La grande salle à dîné était vide. Malgré une longue table de bois massive, occupée par différents plats de viandes et de fruits frais, quelques chaises disposées autour de la longue table rectangulaire, et un chandelier en son centre, la pièce manquait de décorations plus luxuriantes. Quelques grands candélabres étaient disposés aléatoirement contre les murs de la salle, afin que les occupants puissent voir ce qu'on leur avait offert, illuminaient la salle d'un naturel très sombre. En effet, à l'est de la salle du trône, cette section du château était prédisposé à manquer de lumière. Même le matin, alors que les rayons du soleil étaient frais, il s'agissait de quelques heures avant que les chandelles soient de nouveau nécessaires. Postés aux portes de la salle, deux gardes fièrement armés montaient la garde. Ils veillaient à ce qu'aucun personnage ne puisse accéder à la pièce sans l'accord du roi. Ou en serait-ce que quitter. Ils obéissaient aveuglement aux ordres de leur seigneur sans même juger les conséquences que cela leur en coûteraient. Bien qu'ils avaient deux oreilles pour entendre la conversation, on pouvait compter sur eux. Même si leur grade n'était pas aussi respecter et glorifiant que ceux des chevaliers de Camelot, il n'en restait pas moins que ces hommes avaient juré fidélité au Roi Lucius et à sa famille. On pouvait compter sur leur discrétion.
Assise face à son père, dame Aeryn Mordhain s'était habillée d'une belle robe rouge. Brodée d'or au sommet du col, les manche et la coupe était simple. Cette couleur était la favorite du roi. Ses longs cheveux bruns coulaient sur ses épaules comme des cascades d'eau sur les rochers lisses. Des boucles d'oreilles et un collier venaient compléter sa tenue. Elle était diablement belle et son père le reconnaissait. Difficile de croire que cette enfant détestait son père, alors qu'on croirait presque qu'elle s'efforçait de lui plaire. Elle apportait à ses lèvres les diverses victuailles sans réellement les goûter. Son esprit était ailleurs et le roi remarqua immédiatement cette absence :
« Vous semblez préoccupée Aeryn ». La jeune fille entendit les paroles de son père. Elle lui adressa un simple petit sourire convainquant et s'exprima :
« Non sir. Pardonnez-moi d'être d'aussi mauvaise compagnie » . Le roi avala rapidement le vin qu'il avait en bouche pour s'exclamer :
« Je m'inquiète seulement de votre bien-être ». Aeryn lui sourit de nouveau :
« Et je vous en remercie. Ne vous inquiétez pas sir, tout va bien ».
Ainsi rassuré par les paroles la chair de sa chair, le repas se déroula dans la même quiétude. Ils échangèrent quelques paroles concernant le templier Viator - un homme qui entretenait une relation ambiguë avec la princesse, un sentiment partagé entre l'affection et la haine, qui revenait tout juste d'exterminer une famille de sorcier en région. Ils se comportaient étrangement depuis quelques temps et le Roi avait jugé bon de les exterminer, les accusant injustement de sorcellerie. Ils n'avaient pas pu prouver leur innocence, quant à leurs enfants, Viator étant incapable de les tuer, le Roi les avait envoyé servir dans un autre domaine. Par simple courtoisie disait-il. Si seulement il connaissait la profonde rancœur qu'avait la princesse à cette annonce... La discussion s'était aussi penché sur l'état de santé de la reine. Aeryn n'était pas blanche dans cette histoire ; elle avait volontairement rendu sa mère malade dans l'espoir que son père lui révèle quelques informations plus pertinentes. Mais sans plus, le repas avait été sans succès. Arégonde avait inutilement usé de magie cette fois-ci, le résultat n'était pas celui espérer...
Puis le Roi Lucius avait finalement abordé un sujet peut-être plus intéressant. Il mentionna brièvement le nom de Tanith, la noble qu'ils hébergeaient depuis quelques temps. Elle et sa famille avait été victime d'un attentat semble-t-il. Elle en était l'unique survivante selon ce que savait Aeryn. Pourtant, cette femme ne lui inspirait aucune confiance. Dès le premier instant où elle s'était présentée à la cour de Camelot. La princesse ne lui avait jamais adressé le moindre intérêt et c'est à peine si elle la saluait lorsqu'elle l’apercevait dans le château. Elle avait même confié à Arégonde, sa dame de compagnie, que le plus tôt elle quitterait ce palais et mieux elle se porterait. C'est vrai que depuis son arrivé, Aeryn ne dormait plus que d'un œil. Quelque chose clochait avec elle. C'était une intuition qu'elle avait. Sauf qu'elle n'en avait jamais fait part à son père. Dame Tanith était l'invitée du royaume et elle était la survivante d'un grand drame. Il ne fallait pas l'ébranler davantage lui aurait-il dit. Il lui aurait peut-être même suggérer de passer du temps en sa compagnie. Après tout, elle avait à peu près le même âge. Elles avaient peut-être des intérêts commun.
La princesse quitta finalement la table. Son père lui proposa de la raccompagner à ses appartements, mais elle refusa. Il lui a aussi offert sa compagnie l'espace d'une promenade dans le château mais elle déclina l'offre ; elle voulait regagner sa chambre car elle était fatiguée. Le roi n'insista pas. Il salua sa fille et lui indiqua qu'il viendrait la voir un peu plus tard :
« J'ai a vous parlé » avait-il simplement dit avant de se retirer lui aussi. Les serviteur s'empressèrent de nettoyer les lieux et Aeryn quitta la pièce sous le son de pas effréné des servants.
Alors qu'elle s'apprêtait à gagner ses appartements, la princesse de Camelot avait aperçu une silhouette sombre s'échapper d'une pièce. Et Aeryn avait reconnu cette pièce ; il s'agissait des appartements de dame Tanith. Tiens donc, pourquoi quitter ainsi sa chambre telle une voleuse ?
Aeryn en aurait le cœur net et comme ce comportement ne faisait que renforcer les doutes de la princesse, elle décida de la suivre. Rapidement, elle attrapa sa cape qu'elle laissait à proximité de la porte puis s'éclipsa à son tour. Quelque chose qu'elle faisait occasionnellement avec Arégonde.
* * *
Tranquillement, presque trop pour une intruse, elle s'avança davantage en direction de la sorcière. Ses doutes s'avéraient fondés, c'était comme si la magie avait irradié de son corps pour la trahir peu à peu. Aeryn n'aurait pas tarder à connaître le secret de la noble. Rien ne lui échappait vraiment. Surtout depuis que sa servante, la sorcière cachée de Camelot, lui offrait son aide. Dame Tanith avait été imprudente en quittant ainsi le château. Les gardes auraient pu l’apercevoir, mais comme cela n'avait pas été le cas, Aeryn jugea que cela ne devait pas être sa première escapade hors du château de Camelot. Et cette vieille chaumière était une cachette excellente, les paysans et même les gardes l'évitaient.
« Mon père entendra parler de cela » avait-elle dit avant de ne laisser de nouveau un silence s'installer entre elles.