J'ouvris les yeux. Un rayon de soleil matinal vint s'incruster sur ma rétine, ne me laissant pas l'opportunité de me rendormir. Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était, mais je savais qu'il était tôt. L'air était légèrement humide, teinté d'une fraicheur impeccable qui n'existait que très tôt. Je me levai et sorti de ma tente de fortune que nous avions construit pour l'automne. Le camp des druides était encore relativement silencieux. Nous n'étions pas beaucoup à aimer se lever tôt, mais j'en faisais partie. J'aimais cette tranquillité, ce calme que l'on ne pouvait voir que le matin. Après, la réalité s'installait, c'était beaucoup moins drôle. Je partais donc du camp pour aller trouver le petit lac non loin. Après quelques minutes de marche, j'y étais. Le chemin était sinueux, mais je le connaissais si bien que je n'eus aucun mal à y aller. Les couleurs en cette journée d'automne étaient pâles dues au peu de lumière qu'il y avait. Mon regard se perdit sur l'immensité qui s'étendait devant moi. J'enlevais mes vêtements et m'infiltrait dans l'eau fraîche, progressivement. Je nageais quelques minutes avant de plonger. Je gardais les yeux ouverts sous l'eau, m'enthousiasmant de chaque signe de vie que je voyais, animale ou végétale. J'aimais ce monde si pur, si naturel, sans problèmes. Même si ma mère m'avait initiée à ce qui se passait en dehors de la forêt, et bien que je ne me sentais pas concernée, j'avais un pressentiment. Comme si tout ce que je connaissais allait bientôt disparaitre.

Je ressortis ma tête de l'eau en revenant à la surface, respirant l'air frais du matin. Je créais des ondes à la surface, que j'observais un instant. Et puis je remarquai d'autres ondes arrivant vers moi, entrechoquant les miennes. Je levai la tête et découvrit un ami bien particulier. « Tiens regardez qui voilà. » Fantôme s'approcha de moi, et je lui donnais une caresse sur le haut de sa tête. Depuis que je l'avais sauvé, il n'arrêtait pas de me suivre. C’était mon -seul?- et plus précieux ami que je n'avais jamais eu. Au début, pour une raison inconnue, ma mère avait été réticente à ce qu'il reste au camp. C'était la raison pour laquelle il allait et venait. Il n'était pas à moi, il était moi. Et je savais plus que tout qu'il avait besoin de son indépendance, de sa solitude. Nous ressortions du lac, et j'enfilais mes vêtements qui se mouillèrent légèrement. Je m'assis alors sur les pierres environnantes, observant la nature s'éveiller. Fantôme se secoua au loin, puis me rejoignit, et s'assit à ma droite. Nous restions là quelques minutes. « Tu crois que tout ça va finir par disparaitre, toi? Que tout ce qui se passe à l'extérieur va apporter le mal jusqu'ici? » Fantôme tourna la tête vers moi. Il ne pouvait pas s'exprimer, mais nous avions un lien. Lorsqu'on se transforme en un animal, nous ressentons ce qu'ils ressentent. Nous les comprenons, au delà des mots, au delà du langage. Et si les transformations étaient régulières, parfois, on les comprenait, même en étant humain.

C'était mon cas, et je compris lorsqu'il me regardait qu'il avait ce même pressentiment. Je soupirais. Je lui offris une caresse en me relevant et repartis en trottinant vers le campement. Je vis qu'il ne me suivait pas. Je m'arrêtais alors, l'interrogeant en silence. Il partit dans une autre direction. Je décidais alors de le suivre. Soudain, il se mit à courir, et je fis donc de même. Un bruit sourd m'arrêta brusquement. Je regardais autour de moi. Je finis par distinguer une masse noire fonçant à travers la forêt. Au bruit qu'il faisait, on aurait dit un cheval. Il dévia de sa trajectoire et arriva vers moi. Je ne savais pas si je l'avais inconsciemment attiré, ou si Fantôme l'avait poussé vers moi, mais en tout cas, il était bel et bien là. Il se tenait à quelques mètres. Je fis un pas, tendant une main apaisante vers lui. Mes cheveux étaient encore un peu mouillés, et quelques gouttes glissaient encore le long de mon bras. Il sembla accepter ma présence et j'arrivais près de lui. Ses yeux exorbités m'informèrent qu'il avait eu peur de quelque chose. Probablement un serpent, il y en avait pas mal qui rôdaient, surtout en cette période. Je l'apaisais, lui chuchotant des mots dans une langue ancienne, apprise lorsque j'étais enfant. J'observais alors son armature. Il avait un mords, une selle, des étriers. Ma main passai avec douceur sur son naseau, son chanfrein, puis arrivait jusqu'à ses oreilles. Je fronçais les sourcils. Pourquoi vouloir contrôler les animaux par la douleur? Il y a d'autres façons de le faire pourtant.

Je frappai son encolure. Quelle belle bête. « On dirait qu’il vous aime bien. » Une voix suave troubla le silence et me fit sursauter. Je me retournai vivement. Un homme inconnu se tenait devant moi. Grand, cheveux bruns un peu en bataille. Sa veste était un peu sale, et il avait l'air d'un chasseur. Oui, vu l'heure matinale, ça devait être un chasseur. Je tournai la tête vers le cheval. Et cela devait être son cheval. Hum, intéressant. « C’est étonnant, d’habitude ce n’est pas son genre. Mais bon, je suis certain de connaître l’auteur de sa frayeur. » Il avança vers moi et je reculais d'un pas. Il avait l’air observateur. Mais il n'avait pas l'air dangereux. Mon instinct me pressait à faire connaissance, mais les phrases de ma mère tournaient en boucle dans ma tête. J'avais déjà eu un contact avec le monde extérieur, et ça n'était pas si terrible que ma mère me l'avait décrit. Tous les hommes n'étaient pas aussi cruels que ma mère voulait bien le penser. « Vous n’auriez pas vu un lapin grand comme ça ? » Oui, définitivement un chasseur. Je pris une inspiration. Je n'avais encore rien dit. Malgré son air accueillant, j'étais méfiante. Après tout, je ne le connaissais pas. Fantôme entra brusquement dans mon champ de vision. Il se tourna vers moi, puis fit quelques pas en direction de l'inconnu. Je l'observais avec de grands yeux, stupéfaite par le comportement de on compagnon animal. Il n'avait pas l'air de se méfier d'un inconnu, à cette heure là, dans la forêt. Avec ce qu'il avait vécu. Étrange. Fantôme s'approcha de l'inconnu et il s'assit juste devant lui, le fixant. Mon regard se leva jusqu'à l'homme, que je fixais dans les yeux. « Qui êtes-vous? »

Il me fixait, et ça me mettait un peu mal à l'aise. On aurait dit qu'il enregistrait chaque parcelle de mon visage, de moi, comme s'il voulait s'en souvenir. Je détournais le regard vers le cheval qui n'avait pas bougé. Je l'entendis bouger au bout de quelques secondes et je ne pus m'empêcher de regarder à nouveau. Il était accroupi, près de Fantôme. « Il est absolument radieux. » Je les observais, un léger sourire se dessinant sur mes lèvres. Le compliment était adressé à Fantôme, et pourtant, c'était comme si il m'était adressé aussi. Oui, il l'était. Et pas seulement radieux. Il avait toujours été là pour moi, et au fil du temps, même si ça peut paraître étrange, nous avions développé une amitié étroite. Ça n'était plus le même discours du "je dois rester avec lui parce qu'il m'a sauvé la vie". C'était naturel à présent. Je me tournais complètement vers lui. Il caressait Fantôme, qui semblait vraiment apprécier. Je flattais l'encolure de la monture de l'homme, lui chuchotant deux ou trois mots. Lorsque je me retournais à nouveau, je croisais le regard pétillant de mon interlocuteur et me perdis un moment dans son regard.

Il me demanda comment il s'appelait après m'avoir félicitée d'avoir réussi à le dresser. J'eus un léger soupir. Le pire c'est que je ne l'avais même pas fait. Est-ce que je devais lui dire ça? Qu'il était venu me trouver? Quelle importance. Il ne me croirait sans doute même pas. « Je m'appelle Alistair, garde forestier et humble chasseur en quête d'aventure. » Alistair. C'était donc votre nom, Sire. Ses vêtements ne m'indiquaient pas qu'il était spécialement riche, il ne devait donc pas être noble. Non, pas noble, sinon, ça serait son serviteur qui irait chercher son repas. Cette façon de vivre me plut. Attraper ce que l'on souhaite. Il devait s'interroger sur ma présence ici. Il ne devait pas avoir compris qui j'étais. De toute façon, c'était peut-être mieux comme ça. Nous étions chassés, nous étions traqués. Les forces de Lucius nous cherchaient. Comment savoir de quel côté il était? Je ne pouvais rien lui dire, tant que je n'étais pas sûre. Ca ne serait pas seulement moi qui serait alors en danger, mais tout le refuge. Je pris une inspiration et plongea mon regard turquoise dans le sien. Il s'approcha, et je ne reculais plus. Il arriva près de son cheval et posa sa main sur l'encolure de la bête. J'avais moi même ma main de l'autre côté. Nous n'étions à présent séparés que par la tête de l'animal. Je ne l'avais pour ma part pas quitté des yeux, alors qu'il me retournait la question.

Mes pensées sombrèrent sur moi. Je ne voulais pas lui mentir, pour une raison inconnue, je n'avais pas envie de lui mentir. Je n'aimais déjà pas faire ça, mais en plus, il n'avait pas l’air dangereux. Il avait l'air d'être un homme valeureux, de confiance. Mais il ne fallait pas se fier aux apparences. Avant que je ne puisse me préparer une réponse, il me tendit sa gourde, me proposant à boire. Un sourire apparut sur son visage, et je me retrouvais à sourire à mon tour, sans même faire attention. J'observais la gourde, mon sourire s'effaçant petit à petit. Mon regard faisait la navette entre l'eau et ses yeux. Je ne pouvais pas savoir si je pouvais lui faire confiance. J'eus un petit moment pendant lequel je restais silencieuse, comme à mon habitude. En arrière plan, je vis Fantôme, qui était assis par terre. Il me conforta dans mon idée et je finis par prendre la gourde. Je bus une gorgée, puis une autre et je lui rendais en le fixant à nouveau. Il m'avait dit qu'il m'était redevable. Plus maintenant. Je l'observais en silence. Il attrapa sa gourde. Nos doigts se touchèrent et je baissais ensuite mon bras. « Daenerys. Et voici Fantôme. » Je frottais mes doigts entre eux, à cause d'un léger courant électrique qui me chatouillait. Je flattais l'encolure de la bête une nouvelle fois avant de dire à son propriétaire. « Vous savez, il vous obéirait sans doute mieux sans tout cet équipement. » Je montrais le mords, la salle, les étriers. Il devrait avoir le droit d'être libre, physiquement, j'entends. Le cheval esquissa un mouvement un peu brusque qui nous fit faire un mouvement de recul. Je fronçais les sourcils. Quelque chose n'allait pas.

Le visage du monde se farde de plus en plus.
L'artifice l'envahit à mesure que l'homme
s'en rend maître.
image © LIVE JOURNAL

Citation :

Un brin de bravoure pour trois brins de folie.

« Je suis curieux de savoir, pourquoi fantôme ? Est-ce en rapport avec sa couleur ? » Je le regardais. Je ne m'étais pas vraiment posé la question en fait. Je trouvais que ça lui allait bien, parce qu'il allait et venait. Il était là même quand on ne le voyait pas. Peut-être que sa couleur m'avait influencée. Je haussais les épaules et lui répondis. « Probablement, je ne me suis pas vraiment posé cette question. » Il vida un peu de sa gourde sur ses cheveux, puis passa ses mains sur son visage pour enlever un peu d'eau. Des gouttes tombaient encore. Hum. Lui aussi il était du genre à aimer les bains matinaux ? On dirait qu'on a plus de choses en commun que ce que je pensais finalement. Le cheval avait donc fait un bond un peu brusque alors qu'il allait entamer une phrase. J'observais l'animal un instant, sourcils froncés. Alistair du comprendre que quelque chose n'allait pas, car son sourire s'effaça. Il devint pâle et un moment j'eus peur pour lui. Il me demanda si je pensais qu'il était blessé. Il n'y avait rien de visible, il avait raison sur ce point. Il suivit semblait-il mon conseil et enleva le mords et la selle de l'animal. Je passais une main sur son encolure, puis sur son garrot, sa hanche. Arrivant jusqu'à la croupe, je ne remarquais rien d'anormal. Je regardais à nouveau Alistair. Il semblait vraiment affecté. Une sensation de fierté ou de je ne sais pas trop quoi monta en moi lorsque je compris que lui et son cheval devaient avoir un peu le même lien que moi et Fantôme. Un sourire flotta un instant sur mon visage et je fus tirée de mes pensées par la phrase d'Alistair.

« Pouvez-vous l'aider ? Il est tout pour moi ... » Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et mon regard se fixait sur lui. La sincérité avec laquelle il avait dit ces quelques mots me frappa. Je ne sais pas pourquoi je pensais que c'était impossible, mais il y a bien des gens autres que les druides qui respectent les animaux. Nos regards se croisèrent un moment et je finis par baisser les yeux vers l'animal, continuant de l'inspecter. Je n'étais pas du genre bavarde, il devait l'avoir compris. Et je n'étais pas du genre à mentir non plus. Je ne pouvais pas lui promettre qu'il irait bien, du moins pas avant d'avoir identifié son malaise. Je descendis vers ses jambes et trouvai enfin la cause de son dérangement. Une morsure. Mais bien sûr! Le serpent qui l'avait attaqué avait sans doute du le mordre. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt? Je me redressais et mis un moment avant de regarder Alistair. Il s'était rapproché d'un pas après s'être retrouvé éloigné à cause du mouvement du cheval. Je finis par lui dire, en toute honnêteté. « Je ferais tout ce que je peux. » lui dis-je simplement. Là encore, je ne pouvais rien promettre. Je flattais l'encolure du cheval puis me tournais vers Alistair. « Attendez-moi ici, je vais le soigner. »

Au moment où ces mots sortirent de ma bouche, j'eus l'impression qu'ils étaient inutiles. Alistair me lança un regard déterminé. J'aurais du m'en douter. « Vous ne comptez pas le laisser, n'est-ce pas? » lui dis-je, non sans sourire. Je ne pouvais rien dire après tout, j'aurais fait pareil dans sa situation. Il secoua la tête. J'eus un léger soupir. Je ne pouvais quand même pas le laisser venir avec moi au camp des druides. Surtout que dès qu'il nous verrait, il comprendrait qui nous étions. Je ne pouvais pas risquer la sécurité de tous les druides. Il me fallait plus de temps. Je me baissais à nouveau et sondais la blessure. Une légère lueur verte apparut au creux de ma main, que je tentais de dissimuler. L'infection n'était pas trop grave. Je pouvais encore le soigner. Je me relevais, une mèche de cheveux tombant devant mes yeux, et l'observais. Pouvais-je lui faire confiance? J'avais été méfiante, depuis le début. Mais tout tendait vers le fait qu'il était ce qu'il disait être. Il n'avait pas l'air malhonnête. Et puis, le bien être d'un animal était en jeu. Je lui adressais la parole, le regardant droit dans les yeux, une lueur espiègle et ferme dans le regard. « Je vous fais confiance. Ne me le faites pas regretter. » Je quittais son regard brun avant d'encourager le cheval d'un claquement de langue. Difficilement, il mit un sabot puis l'autre; et il finit par m'obéir et me suivre. Fantôme partit gambader devant comme à son habitude, et je marchais à côté d'Alistair, le cheval entre nous deux. Le silence me fit du bien. Simplement entendre la forêt qui s'éveillait. Il faisait déjà chaud et les quelques rayons qui traversaient les arbres me réchauffaient agréablement la peau. Je me mis ma mèche de cheveux derrière mon oreille tout en espérant que personne ne serait réveillé au camp. J'en profitais pour jeter un regard discret à Alistair, qui marchait d'un pas énergique. Nous étions tous les deux mouillés. J'en connais au camp qui pourraient se poser des questions. Un léger sourire éclaira mon visage alors que je continuais à marcher. Laissons les penser.